LA REVOLUTION DES AUBERGINES

Les protagonistes :
Le Che Mustafa
Liz, Bernesto, Béate, Gouye, Joe, Petrus, Néane, Dargé, Nicmo et Nicvero

Le Premier jour
Le Che nous accueille dans les brumes de Termessos. C’est dans ces premières ruines lyciennes, grecques, romaines matinées de Byzance que va naître la contestation. Ceci à partir d’une interrogation : Une perte d’identité, d’où viens-tu, qui es-tu dans ces millénaires de cultures passées et disparues ? Et d’une constatation : quelques sublimes crêpes de conception populaire traditionnelle partagées avec le sourire. Ce seront les deux colonnes d’Adrien de cette révolution des aubergines.
Le débat prendra tout son sens gustatif autour du premier initiatique kebab mixte assorti de jus de radis noir, de grenade… et de bières locales. Le tout dans un environnement authentique et contemporain de chèvres non industrielles et de routes à grande circulation.
C’est aux ruines antiques de Phaselis, de base lycienne toujours, soit quelques 6000 ans avant Jésus, que les discussions identitaires reprendront. On supputera sur les modifications apportées par les grecs, on fera la différence des grosses pierres calibrées romaines portées par les esclaves et celles byzantines beaucoup plus petites et difformes parce que mise en place sans doute par de nombreux mauvais artisans tailleurs rémunérés sans coup de fouet. Depuis la nuit des temps il est une constante : les constructions neuves sont mieux faites par des esclaves à peine payés que les restaurations faites à grands frais par des architectes qualifiés et ouvriers hautement spécialisés.
On s’interrogera aussi de la présence sur ces vieux cailloux en ruines, de russes en mal de mariage, d’ukrainiens crapahuteurs, de touristes non identifiés mais faux pirates, n’ayant que de turc le pavillon, hébergés en quantité non négligeable dans quelques cinq cent palaces répartis bien discrètement sur trente kilomètres de côtes.
En final, et ce sera le cas tous les jours,  les lieux de recherche identitaires seront posés sur les smartphones du Che, de Bernesto, de Béate et les débats enregistrés en aquarelle sur papier par Néane.

Le deuxième jour
Les plans sont mis sur la table. Informer est pour l’heure la chose principale à faire. Ceci étant fait nous partons au pas du lièvre pour rejoindre les tortues sur les plages adéquates à leurs pontes.
Sans communication possible avec l’extérieur nous nous laissons aller au gré du sentier, monter, descendre, avec ou sans crique, profitant du bain, de la vue, photographiant la rare rencontre humaine dans son plus simple appareil ou encore habillées de simples rayures.
De tortue, en carapace ou en coque nous n’en verrons pas. Mais à la nuit tombée nous allumerons nos Chimères* afin qu’elles nous donnent la force du lion, la diplomatie de la chèvre et la filouterie  du serpent pour recouvrir notre identité. Ce qui s’avérera très efficace dans la suite de notre révolution.
 

Le troisième jour
Ce fut le mont Moïse sans les tables de la loi mais avec la foudre de Dieu. La révolte monte dans le groupe, marre du sentier qui pique et nique, des troncs d’arbres enchevêtrés, du fouet des branches. Où sont donc les Kebabs, où sont donc les plages promises ? Vers midi nous aurons les premières gouttes, abrités dans un restaurant d’altitude de style cabane plastique mi XXème siècle, non durable, nous y dégusterons un thé bienvenu à défaut de Kebab. Les gouttes passeront pendant que le Che Mustapha explique à deux charmantes australiennes les vertus thérapeutiques de son « chez lui » en s’aidant de son APP (album photographique portable). Cela n’empêchera pas l’averse de nous attendre sur le chemin, elle nous trempera jusqu’aux os le temps d’une bonne heure et demi nous transformant en wassingues, serpillières ou encore panosse*…. Selon la région de France que vous habitez.  L’arche de Noé (entendez par là notre confortable camionnette de transport)  n’échouera devant nous que lorsque le déluge sera arrêté.
Seule compensation qui nous a interdit de marquer d’une croix rouge cette journée dans ce maelström de pierres, broussailles, branches et troncs mêlés d’averse, le bois rouge de sandale, à ne pas confondre avec l’odorant bois de santal, l’identité et le terroir ne sont pas les mêmes, tout n’est pas simple quand on ne sait pas. Celui-ci doit son nom aux sandales qu’il fut un temps les sandaliers faisaient avec son bois. C’est peut-être bien grâce à cette nouvelle connaissance apprise que nous n’avons pas vu rouge et que cette journée resta verte.

Le quatrième jour
Il fut épique… Une odyssée !
Notre identité n’étant pas encore retrouvée malgré nos recherches, il fallut aller faire les déclarations d’usage et c’est là que qu’il fallut utiliser le côté serpent de la chimère. Mentir aux autorités tout en photographiant l’instant de la disparition de Bernesto et du Che dans l’antre du cyclope borné. Le côté chèvre ignare de la chimère dut faire face à la suspicion autoritaire et armée du policier faisant respecter l’interdiction de photographier un ami devant un poste de police. L’instant pris dut être effacé manu military. Il n’empêche le cyclope n’ayant qu’un œil, il ne vit pas que la chèvre et le serpent se jouèrent de lui une seconde fois ailleurs une journée plus tard. Paradoxe de ce pays où des étudiantes voilées se font photographier sans problème mais où il est interdit de prendre en image un bâtiment public parce que son contenu est policier.
C’est le lion de la chimère qui reprit vite le contrôle de la journée. Le programme était les ruines d’Aperlia, le passage dans deux criques superbes, un bar de pirates où seul un chat nous regarda d’un œil fantastique et la forteresse du dit lieu… Quatre heures de marche pour embarquer sur un caïque nous attendant au port… c’était le programme. Sauf que la chèvre, le serpent et le lion, donc la chimère entière se perdirent bêtement en se fiant au marquage rouge et blanc du chemin de grande randonnée qui bifurquait telle une langue fourchue de serpent. Une heure durant, au pas de charge, le trio homérique cherche à rattraper le groupe qui semble aller à la cadence de combat galérien … boum boum boum boum … (comprennent ceux qui ont vu Ben Hur en cinémascope ou la blague du commandant de galère qui veux faire du ski nautique que Dargé nous a conté) alors qu’en réalité il attend furieux sur l’autre chemin rouge et blanc cent mètres à peine après la langue de serpent. Il faudra que le trio perde les marques pour que les smartphones communiquent en G4 : Mais où êtes-vous donc ? L’erreur couta deux heures et 8 km. Et on en rajouta… un superbe coq, puis une autochtone et ses enfants attirèrent l’œil du photographe, les foulards chinois modifiés turc sortirent vite de la ferme accompagnés du grand fils parlant anglais . Ce fut la boutique en plein champs et le marchandage de quelques lirasis* qui prit encore quelques temps. La floraison de sarcophages lyciens ne nous freina guère ensuite, nous n’en étions plus au premier mais la forteresse nous attira à son sommet d’autant que Dysis* y passait tous les soirs certes mais vite fait.
Le Che était contrarié… le programme se faisait mais pas au bon rythme. Le Caïque criait Kahic ! Mais par Zeus qu’il fut bon de monter à son bord ! Vite le capitaine mis les voiles… euh ! Pardon le moteur, la souriante matelote jeta l’ancre un quart d’heure plus tard à une encablure d’une ruine sous-marine lycienne et s’afféra de suite au kebab qui s’avéra présidé par Céraon* sur le pont arrière, Dyonisos étant chez les russes avec ses bacchantes… La fatigue laissa la place pour un temps à la franche rigolade entretenue par Dargé envouté par Euphrosyne* jusqu’à ce que, repus nous nous effondrâmes avec Eudémonie* dans un sommeil ronflant les uns en cabines les autres sur le pont avant  Vénus et les Hespérides veillant sur nous.

Le cinquième jour
Héméra* était là au petit déjeuner sur le pont. Elle mit vite au second plan nos problèmes identitaires en nous présentant les valeurs gréco-turques du petit déjeuner même si certains opposants continuaient de jurer sur le café au lait croissants et petits pains au chocolat à la française donc, tout en sachant que le croissant a été inventé par un autrichien viennois pour fêter une victoire sur les ottomans * et ramené en France par la reine Marie Antoinette d’Autriche. Les Dieux révolutionnaires ont ainsi décidé que le croissant était digne du peuple mais pas notre souveraine.
Eole maintenant motorisé nous emmènera visionner un village lycien sous-marin occupé maintenant par les petits poissons. Une colère de la terre probablement fomenté par Poséidon* l’a descendu de quelques mètres au 2^ème siècle avant que Jésus ne vint sur terre, sans que cela soit utile pour ce genre de problème… entre autres.
Nous débarquons a X pour réembarquer à Y trois heures plus tard, sans papier toujours et affrontant la suspicion, la discussion sur notre état. Après avoir monté, descendu, rattrapés les tortues, surpris les lézards, dérangés les araignées dans le ciel, admiré les ruines antiques d’une citerne d’un pays où il ne pleut plus, vu encore des sarcophages lyciens,  essayé de déchiffrer sans résultat la vie d’un homme vieux de deux mille ans voire plus inscrite sur son tombeau, une question se pose soudain : notre identité ne fusse que biométrique sera-t-elle encore là dans le même temps à l’avenir et sera-t-elle encore déchiffrable ? Qui plus est, sera-t-il utile de savoir ?
Pas de réponse, nous embarquons, la matelote lève l’ancre et c’est Byzance… Nous commençons par une tradition bien gauloise qui est l’apéritif, turcs, arabes et ottomans ne l’ont pas adopté, ils boivent le raki en mangeant… Il est vrai que leurs vins… il y a du boulot encore…Le repas suit : des poivrons farcis et quelques salades, mais quelles salades ! Le thé est en fin de parcours, juste avant la sieste, pardon la méditation, elle-même avant la baignade précédant les discussions paisibles des dames et celles plutôt aubergines révolutionnaires des hommes*.
Le bateau reste immobile, planté dans la baie à l’abri d’Eole comme de Zéphir et quand Dysis passe la cérémonie du raki repasse avant la dorade grillée à point de main de capitaine sur le bateau.
Doucement la nuit monte et Vénus qui est apparue depuis un bon moment déjà est suivie du cortège des étoiles empruntant la Voie lactée. Ce soir il y a du monde à dormir sur le pont.

6ème jour. Ucagiz- Patara

Le sixième Jour
Nous débarquons à Uçagiz, après une demi-heure de navigation sur une mer calme. Nous quittons presque à regret le Sansim, son capitaine et sa matelote cuisinière. D’autres aventures nous attendent, plus exactement nous attendons l’aventure au port en patientant. D’aucun ont besoin d’avoir des nouvelles de leur identité, d’autres cherchent de l’eau, les deux Nic nous quittes ici. Elles montent dans leur taxi, nous montons dans notre mini bus. A la ville suivante Zeus nous enverra une belle averse histoire de nous ralentir encore.  Toutes gouttes   tombantes arrêtées on fera le marché local cherchant aubergine et kebab sous toutes leurs formes. On trouvera un très bon Döner Kebab assortis de quelques pizzas mode turque plus loin… dans une ville accrochée à flanc de montagne  trempant les pieds dans l’eau… d’occupation touristique essentiellement britannique.
Ventres pleins on repars vite pour notre rando du jour. Quatre à cinq heures de marche pour atteindre Patara ses ruines et sa plage. On domine une mer de serres à toutes sortes de légumes du soleil, exportés de l’ukraine à la Biélorussie en passant par l’Arabie c’est ou dite, mais nullement par la  France.  On suit les ruines encore bien présentes d’un fabuleux aqueduc romain comportant un siphon géant fait de pierres taillées en tuyaux à collerettes mâles et femelles, l’étanchéité étant assurée par un liant hydraulique. Après une bonne portion de chemin piquant ou nous aurions été bien inspiré de mettre des pantalons et pas des shorts ce sera la plage de sable blanc, superbe, quasi déserte.
Et puis ce sera les ruines de Patara, villes fondée par Pataro fils d’Apollon son théâtre, son agora, ses thermes vespasien et sa porte d’Adrien ou certain feront une provisoire usurpation d’identité…

Et puis il reste quatre jours que vous allez voir en image parce que pour le texte j'en ai marre...
En fait ce voyage si on peut l'appeler ainsi me laisse une sérieuse amertume dans la tête.
Il est tout ce que je déteste. Je n'en veux ni à Allibert Trek, ni au guide extra que nous avons eu mais seulement à mois même pour n'avoir pas su déceler le piège.
Eh oui la Turquie, la voie lycienne, the lycian Way comme il est excellent de dire...c'est vrai que c'est beau... Magnifique même... entre les villes de touristes russes, Ukrainiens, britanniques, allemands voire hollandais, important avec eux leurs soi disant richesses, boutiques de luxe et petits yatchs dans lesquels se complaisent les touristes charters et croisières admiratifs ? où sont donc passés les turcs et leurs légendaires Kebabs Doners ou pas ? on en est arrivé à la pizza turque ou pire, Burgers king, Subway et d'autres plus célèbres encore mais que je ne nommerai pas. Cela ne m'étonne pas qu'Erdogan construit des mosquées à tour de bras même si elle sont vides de fidèles, même si le muezzin est un CD et non un derviche qui tourne. L'hébergement de charme est du cinq étoiles avec 3 piscines, le restaurant ? un snack mondial ou un truc importé d'Ibiza sans le monde (on est au mois de mai, j'imagine au mois d'août)
The wonderful lycian Way n'est plus que ruines antiques avec les poubelles contemporaines du riche monde.
Bref je suis revenu avec l'envie de ne plus partir. Nulle part. Non merci.
En tous cas je ferai bien attention de ne plus aller là où l'Occident ne sait exporter que sa merdasse...en tout point.
De vrais gens rien d'autre.

Lexique pour une bonne compréhension du texte

*Chimères : Dans la mythologie grecque, la chimère est une créature fantastique malfaisante dont le corps tenait généralement pour moitié du lion et pour l'autre moitié de la chèvre, et qui avait la queue d'un serpent¹. Le nom de « chimère » a été donné à des bêtes fantastiques qui n'ont de commun avec l'animal de la mythologie que le caractère composite bizarre.
L’avatar Lion visitait les songes des personnes courageuses et dominatrices celles marquées du sceau de la puissance et du charisme, nanties d’une volonté inébranlable.
L’avatar Chèvre préférait hanter les rêves des penseurs, avides de nourriture spirituelle, ainsi que ceux dotés de sagesse, de diplomatie, ou ayant voué leur vie à la grâce.
Quant à l’avatar Serpent, il s’insinuait dans les songes des instinctifs, des discrets, de ceux qui suivent leurs pulsions et de ceux pour qui filouterie et ruse sont des modes de vie.
*PANOSSE : nom savoyard de la serpillière
* Dysis (Δύσις, Dýsis) : Déesse du coucher du soleil
* Lirasis : nom de la monnaie turque improprement appelée livre
*Céraon : demi dieu grec du repas
*Dyonisos : Dieu du vin, de l’orgie. Bacchus chez les romains
*Euphrosyne : déesse de l'acclamation, de la joie, de l'hilarité et de la gaieté
*Eudémonie : déesse du bonheur
* Héméra : déesse de la lumière du jour et du soleil
* http://gourmandisesansfrontieres.fr/2011/12/la-petite-histoire-du-croissant/
* Poséidon : dieu de la mer, des inondations, des tremblements de terre, créateur des chevaux 
* désolés mais il n’y a que les militants présents qui peuvent comprendre.